Tout allait pourtant si bien en début de semaine, j’étais enfin arrivée à m’organiser au boulot, je mettais en place des procédures de fonctionnement, je commençais à maîtriser le logiciel et j’avançais vers mes objectifs d’un pas assuré. Mon voyage à Paris y était sans doute pour quelque chose, ça me boostait. Vendredi, bien qu’un peu fatiguée par une longue semaine de boulot, j’étais très enthousiaste à l’idée de voir mon cher Mickaël et de savoir s’il avait pu s’arranger pour me rejoindre à Paris. J’étais en train de garer ma voiture sur le parking, quand j’ai vu une jeune fille me fixer de loin, son regard était braqué sur moi, impossible de ne pas la remarquer. Son visage me disait quelque chose mais je n’arrivais à y mettre un nom et à me rappeler où je l’avais vue. Quand je suis sortie de la voiture, elle s’est élancée dans ma direction, elle avançait vite d’un pas déterminé, elle semblait contrariée. Elle s’est postée à quelques mètres de moi et elle m’a interpellée :
- J’aurai deux mots à vous dire.
- On se connait ? ai-je demandé
D’un ton sec et tranchant, elle répondit :
- Non ! Et je n’ai pas non plus envie de vous connaître... Vous vous prenez pour qui à votre âge pour draguer le mec des autres ! Coucher avec un jeune, ça doit sûrement flatter votre égo ! Moi ça m’écœure !
J’étais abasourdie comme si elle venait de me lancer des coups de marteau dans la tête. J’étais complètement sous le choc. Je suis restée là sans voix, muette et immobile face à ce discours implacable.
Quand les yeux de la jeune fille sont tombés sur mon alliance et elle est repartie de plus belle :
- Vous êtes mariée en plus ! Quelle honte ! Les femmes comme vous, ça me dégoute… Vous me donnez envie de vomir. Occupez vous de votre mari, de vos enfants si vous en avez et laissez Mickaël tranquille, fichez-lui la paix ! Il n’a pas besoin de vous ! Il est jeune, il a un avenir à construire et ce sera sûrement pas avec une femme comme vous ! … J’espère que vous avez saisi le message, cessez de roder autour de Mickaël, fichez lui la paix une fois pour toute ! Poufiasse !
Je venais de me faire traiter de poufiasse et je restais là sans rien dire. La violence de sa voix et de ses propos m’avait complètement tétanisée. J’aurai bien voulu lui répondre quelque chose, j’aurai pourtant pu lui dire tant de choses pour me défendre mais j’en étais incapable. Sur le coup, comme ça, ce fut impossible. C’était la première fois que je me faisais agressée verbale comme ça dans la rue et par surprise. Avant de partir, la jeune fille m’a lancé un regard menaçant.
Je suis restée immobile pendant un moment, le cœur gros, les larmes aux yeux, je me suis sentie si mal, comme blessée dans mon amour propre, touchée en plein cœur. Je ne connaissais pourtant pas cette fille mais ses paroles m’avaient bouleversée. D’où me connaissait-elle ? Était-ce la petite amie de Mickaël ? Où est-ce que je l’avais vu ?... Soudain, un éclair de souvenir traversa ma mémoire, oui c’était elle, la jeune fille que j’avais vu discuter avec Mickaël mardi dernier. Je l’avais vu de loin mais c’était elle, les cheveux, la silhouette… Pourquoi ? Pourquoi ?
Je devais discuter avec lui. Je me suis dirigée vers le parc, il était là en train de m’attendre. Quand il m’a vu, il a eu un sourire, je l’ai trouvé si beau… Les mots de la jeune fille résonnaient encore dans ma tête et je commençais à ressentir de la culpabilité. Je me suis fermée.
Il s’est avancé vers moi et m’a fait la bise en me disant :
- Salut toi ! J’ai eu peur un moment que tu ne viennes pas.
Je n’ai rien répondu, je ne savais plus par quoi commencer, c’est lui qui a pris les devants :
- Mais qu’est-ce qu’il t’arrive ? Je vois que ça ne va pas.
J’ai pris une grande inspiration et je lui ai demandé :
- La jeune fille qui était avec toi dans ce parc mardi, c’était ta copine ?
- Ma copine ? Non, mais quelle idée ? me répondit- il en souriant
- Ne me mens pas, c’est important.
Il comprit alors que c’était sérieux et il me répondit :
- C’est une amie mais pourquoi ? Qu’est-ce qu’elle a fait ?
- Je suppose que c’est une amie assez intime car elle vient de me demander de ne plus m’approcher de toi. Et quand je dis « demander » je suis gentille.
J’avais la gorge nouée, j’étais à deux doigts de craquer mais j’essayais de jouer la forte et l’indifférente. Il fit une tête, il semblait très contrarié et il finit par me dire :
- Fais chier ! Elle a dû nous voir ensemble mardi et elle n’a pu s’empêcher. Je suis désolée…
Il s’arrêta quelques secondes et me regarda. L’instant était grave, il me dit :
- Je suis, en effet, sortie avec cette fille l’an dernier mais ça fait longtemps que c’est fini entre nous. On est resté ensemble un mois. Je l’aimais bien mais je n’étais pas amoureux d’elle. Pour elle, c’était le contraire, elle s’était fait tout un film et nous voyait déjà devant l’autel. J’ai préféré rompre mais le mal était déjà fait. Elle n’a jamais supporté la rupture, elle m’a harcelé, j’ai passé des mois à la fuir. Puis, elle a fini par comprendre et elle s’est trouvé quelqu’un d’autre. Mardi, je l’ai trouvé par hasard… mais je me demande maintenant si c’était vraiment par hasard. Elle m’a demandé si je tenais le coup après le décès de Damien, tu te rappelles, c’est l’ami dont je t’ai parlé. Je l’avais trouvé très gentille et à l’écoute… Je sais ce qui l’a motivé maintenant.
Tout était plus clair. Je me demandais qu’est-ce que je faisais dans cette histoire. Je n’avais pas ma place. J’ai commencé à avoir mal à la tête. Il m’a dit qu’il irait lui parler, alors je lui dis :
- Non, ce n’est pas la peine. Laisse tomber.
J’avais eu mon compte et je n’avais pas envie de me battre avec cette fille. Je voulais rentrer chez moi retrouver mon petit univers. Je lui ai dit que ça n’allait pas et que j’allais rentrer.
- Tout ça à cause de Delphine ! Elle est vraiment trop chiante ! Je suis désolé ...
Il a prononcé son prénom et s’en était trop moi. J’aurai préféré ne savoir comment elle s’appelait.
On s’est dirigé vers le parking sans rien dire. Il voulait prendre ma main mais je me suis éloignée. Je sais que ce n’était pas de sa faute mais c’était ma seule façon de réagir à ce qui venait de m’arriver.
J’avais du mal à penser, je voulais rentrer chez moi, prendre une bonne douche et oublier tout ça. Je crois que ce soir là, j’aurai pu rayer définitivement Mickaël de ma vie sans regret si en arrivant à la voiture, je n’avais pas une autre mauvaise surprise.
Sur tout le côté gauche de ma voiture, on pourrait lire en bas dans portières : « SALOPE !!! ».
J’ai crié : « Mon Dieu ! » et j’ai couru vers la voiture pour constater les dégâts.
Non seulement elle avait écrit ce mot sensée me caractériser mais elle avait aussi rayé les deux portières, les marques étaient profondes, elle a sûrement dû se servir d’un objet pointu. J’ai fait le tour de ma voiture, je croyais halluciner. J’étais dans un cauchemar. Je ne savais plus quoi faire.
J’ai mis mes mains sur mon visage et là j’ai craqué. Mes larmes ont coulé, une cascade d’eau dévalait sous mes doigts. Je ne pouvais plus cacher ma faiblesse et ma fragilité. Je suis très émotive et là c’était trop pour moi.
Mickaël s’est approché de moi et il m’a pris dans ses bras. Mon cœur battait très fort, mes larmes continuaient à dégouliner, j’ai mouillé son tee-shirt. Il me serra très fort. J’ai senti sa chaleur et sa tendresse, et peu à peu, je me suis apaisée. Mon cœur battait plus calmement. J’ai repris mon souffle et je lui ai dit : Merci… Je me sens nulle, en plus j’ai mouillé ton tee-shirt.
Il a souri et il a dit :
- T’inquiètes, tu peux moucher dedans si tu veux.
J’ai souri. Il m’a regardé en souriant et il a dit :
- Je suis content de te voir sourire…
En effet, je venais de sourire pour la première fois de la journée et je lui en étais vraiment reconnaissante. Il était près de moi et une chaleur emplissait mon cœur d’une façon que je ne pourrai décrire. Il y a quelque chose entre nous, quelque chose de fort et d’étrange à la fois, quelque chose de chimique que je n’avais jamais connu auparavant.
Je l’ai regardé et je lui ai demandé :
- Qu’est-ce qu’on va faire pour la voiture ? Je ne peux pas rentrer comme ça chez moi.
Il a regardé la voiture et il m’a dit :
- J’ai un ami qui bosse dans un garage, je peux lui montrer la voiture. Il fera le nécessaire pour effacer ces traces et repeindre tes portes.
- Ce serait bien s’il pouvait faire quelque chose rapidement.
- Tu veux qu’on y aille tout de suite ensemble ?
- Oui, allons-y !
Je ne me suis plus posée aucune question, il fallait agir. Sur le trajet, il m’indiquait le chemin qui menait au garage. Nous échangions de temps à autre quelques regards et quelques sourires… C’est vrai, je reconnais que ce n’était pas vraiment le bon moment pour flirter mais c’était comme si chacune cellule de mon corps était appelée par lui, il y avait une attraction forte et presqu’incontrôlable. Je pense que cela était dû au fait de se retrouver tous les deux dans la voiture, seuls et si près l’un de l’autre.
Nous sommes arrivés rapidement au garage. Son ami n’a pas posé de questions, il a tout de suite compris qu’il fallait rester discret sur cette affaire. Il a estimé les travaux à un certain coût. Mickaël a voulu négocier le prix à la baisse mais je lui ai dit que ce n’était pas la peine. J’étais prête à payer le prix pourvu qu’il me rende la voiture rapidement.
Son ami était tellement content que j’accepte, qu’il m’a prêté un véhicule de remplacement.
Sur la route du retour, je me suis rendue compte que le garage n’était pas loin de chez moi. En passant devant la maison, j’ai montré à Mickaël où j’habitais, je l’ai fait spontanément, je ne sais pas ce qui m’a pris. Il a regardé et il est resté pensif. J’aurai tout donné pour savoir ce qu’il pensait. Puis, il m’a dit que ce n’était pas la peine que je la raccompagne jusqu’à chez lui et que je pouvais le déposer près d’un arrêt de bus. Je l’ai déposé à l’arrêt près d’un square. J’avais regret de le quitter. Lui aussi, je crois. En sortant de la voiture, il s’est retourné vers moi et m’a dit :
- Au fait pour Paris, j’avais oublié de te dire que c’est ok pour moi. Je pourrais t’y retrouver le week-end prochain et resté avec toi jusqu’au mercredi.
Cette nouvelle m’a inondé de bonheur, j’ai eu une folle envie de l’embrasser. J’ai souri et je lui ai dit :
- Super ! Enfin une bonne nouvelle ! Je suis contente. Je t’appellerai lundi.
- Mais je t’ai pas donné mon numéro !
- Tu oublies que j’ai ton CV.
- Tu l’as gardé !
Il a souri, je lui ai dit « Bisous ! ». C’était la première fois que je lui disais ce p’tit mot doux. Il m’a répondu et il m’a fait un p’tit signe de la main.
Je suis rentrée chez moi.
Quelle journée !... soupir