IV- Retrouvailles
J'avais réussi à ne plus penser à lui, à le sortir de mes pensées.
J'avais repris ma petite vie routinière de la femme et la mère modèles
jusqu'à hier. Oui hier, je suis allée faire mon footing dans le parc
comme deux fois par semaine. Je ne courrais pas vite, j'écoutais de la
musique pour booster comme toujours, c'est mon dopant à moi. Là j'ai
senti quelqu'un courir derrière et me rattraper. Il était à ma hauteur,
j'ai pensé qu'il allait me dépasser quand j'entendis sa voix :"Bonjour
!" Malgré la musique, j'ai pu discerner sa voix, c'était lui. J'étais
surprise mais je n'étais point paniquée, j'ai souri "Bonjour !" Il m'a
souri et il m'a dit :"Cette fois-ci, si tu veux me fuir en
courant, je suis équipé pour te rattraper." Il osait plaisanter sur
ma regrettable réaction de la fois dernière. Bien que j'en avais honte,
j'étais contente que ce soit loin maintenant. Cela faisait trois
semaines que l'on s'était vu. Je n'avais pas cherché à le voir, ni lui
à me revoir. Je lui ai fait remarquer que c'était la première fois que
je le voyais courir ici. Il m'a expliqué qu'il allait d'habitude en
salle de sport mais qu'aujourd'hui, il avait envie du grand air. Il
portait un débardeur, je pouvais voir ses biceps, ses muscles qui
luisaient. On essayait de parler en courant mais ça nous fatiguait tous
les deux, j'étais de plus en plus essoufflée. Lui il aurait pu
continuer encore mais voyant que j'étais à la limite de l'asphyxie, il
me proposa d'aller nous asseoir prétextant qu'il était à bout.
J'ai bu un gorgée d'eau à la fontaine et je suis allée m'asseoir près
de lui comme lors de notre deuxième rencontre. Je transpirais, mes
cheveux étaient mouillées, je ne préférais pas penser à la tête que
j'avais pour ne pas me sentir ridicule. Je me suis surprise à vouloir
lui plaire, à vouloir être belle pour lui. Je n'étais pas totalement
guérie. Il me regardait et j'avais un peu honte. "Alors comme ça, tu es
sportive ?" me demanda-t-il. "Non, je ne suis pas une grande sportive,
je m'oblige à faire trente minutes de footing deux fois par semaine
pour garder la ligne." "Tu es comme moi." J'ai été surprise de
l'entendre dire ça, car je ne voyais pas en quoi on se ressemblait,
j'étais bien loin d'avoir un corps musclé comme lui. Il s'expliqua :"Je
m'oblige comme toi à faire du sport deux à trois fois par semaine pour
éviter de perdre ce corps de rêve." "Corps de rêve, mon Dieu !" Quelle
prétention ! Il souriait, il plaisantait mais peut-être à moitié car il
savait qu'il était beau et sexy. Je comprenais qu'il faisait tout pour
conserver cet corps de d'Apollon.
Un moment, on se tue et on écoutait le bruit des enfants autour, des voitures au loin, des oiseaux dans les arbres. En fait, je ne sais pas s'il était en train d'écouter tout ça, il interrompit ce moment en me demandant :"Tu viens courir ici deux fois par semaine, tu as des jours et des heures précises ?" La tournure de sa question me fit sourire, je le voyais venir de loin avec ses grosses baskets et ça me faisait plaisir. Je le trouvais différent de la dernière fois, il était moins arrogant et sûr de lui. On se parlait en toute simplicité et sur le même pied d'égalité. Après avoir réfléchi deux secondes, je lui ai répondu : "Le mardi et le vendredi de 17 heures à 18 heures." Il sourit en me disant :"Dorénavant, si ça ne te dérange pas, je viendrai courir tous les mardi et vendredi soir ici." "Non, ça ne me dérange, au contraire ça me fera de la compagnie." Il était heureux et un grand sourire de satisfaction éclairait son visage.
"Par contre, si tu pars à 18 heures d'habitude, aujourd'hui tu vas arriver plus tard chez toi." J'ai regardé ma montre, il était plus de 19 heures. Comment se faisait-il que je n'ai pas vu l'heure passée. Je me suis levée du banc précipitamment. "Cette fois-ci, ce n'est pas toi que me fait fuir, je dois partir. A mardi alors !" "Au revoir et à mardi ! Bonne soirée !" J'ai couru à ma voiture et j'ai souri, j'étais si heureuse que j'avais l'impression de retrouver la joie insouciante de mes seize ans quand je savais que j'avais un rendez-vous avec le plus beau garçon du lycée.
On s'était retrouvés et c'était comme si on avait recommencé à zéro, sans domination, sans peur et sans faux-semblant. Je ne savais pas trop de ce que j'attendais de tout ça, je savais juste que j'étais bien avec lui et que j'avais très envie de le revoir.